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Histoire des avanturiers qui se sont signalez dans les Indes :

contenant ce qu'ils ont fait de plus remarquable depuis vingt années. Avec la vie, les mœurs, les coûtumes des habitans de Saint Domingue & de la Tortuë, & une description exacte de ces lieux; où l'on voit l'établissement d'une chambre des comptes dans les Indes, & un etat, tiré de cette chambre, des offices tant ecclesiastiques, que seculiers, où le roy d'Espagne pourvoit, les revenus qu'il tire de l'Amerique, & ce que les plus grands princes de l'Europe y possedent ...
  
  
  
  
  

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 II. 
 III. 
Chapitre III.
 IV. 
 V. 
 VI. 
 VII. 
 VIII. 
 X. 
 X. 
 XI. 
 XII. 
 XIII. 
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Chapitre III.

Etablissement d'une Colonie Françoise
sur l'Isle de la Tortuë. Les François
chassez par les Espagnols y reviennent
plusieurs fois, & aprés divers
changemens ils en demeurent
les Maistres; le Gouverneur est assassiné
par les François mesme.

LEs François ayant étably une Colonie
sur l'Isle de Saint Christophe,
commençoient à fleurir, lors que
les Espagnols interrompirent leurs progrez
par plusieurs descentes qu'ils fitent,
en passant avec leurs Flotes, pour


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aller à la nouvelle Espagne. Cela obligea
la plus grande partie de cette Na-
Les François
joints aux Hollandois
font de riches
prises,
tion à suivre les Zelandois, qui faisoient
des courses sur les Espagnols, &
qui en remportoient de riches prises.
Ils y réussirent si bien que le bruit en
vint en France, & cela fit que plusieurs
Avanturiers de Diepe équiperent à dessein
de venir y faire aussi des courses.
Voyant qu'ils estoient heureux dans
toutes leurs entreprises, & que les Isles
de Saint Christophe où ils amenoient
leur butin estoient trop éloignées,
car il leur falloit deux ou trois
mois pour y remonter, à cause des
vents & des courants qui sont toûjours
contraires, ils resolurent de chercher
un lieu plus commode, sans avoir au-
Quelques
Avanturiers
François vot
à l'Isle Espagnole
à dessein
de s'y
retirer,
tre but que de s'y retirer. Dans cetre
veuë quelques-uns d'eux allerent en
l'Isle Espagnole, voir s'ils ne trouveroient
pas aux environs quelque petite te
Isle, où ils pussent se refugier en seureté.
Lors qu'ils y furent arrivez, ils
la trouverent tellement peuplée de betes
à cornes & d'autres animaux qu'ils
furent asseurez de venir à bout de leur
dessein, parce qu'ils y trouvoient encore
la facilité de ravitailler leurs bastimens,

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si bien qu'il ne leur manquoit
plus qu'un azile pour se retirer, de
crainte d'estre chassez par les Espagnols.

Les Espagnols ayant consideré que
cette Isle pourroit un jour servir de retraite
à de telles gens, s'en étoient déja
emparez, & y avoient mis un Alferez
avec vingt cinq hommes qui en avoient
pris possession. Ces Avanturiers François
n'eurent pas grande peine à les faire
sortir de là, parce qu'ils estoient ennuyez
de se voir éloignez du passage
des Espagnols, qui n'avoient gueres de
soin de leur apporter leurs necessitez.
Les François s'estant rendus les maîtres
de cette Isle, délibererent entr'eux
de la maniere qu'ils s'y établiroient.
Comme les hommes ont diverses pen-

Divers desseins
des Avanturiers,
& enfin leur resolution
de
demeurer à
la Tortuë.
sées, aussi ont-ils diverses applications.
Dans l'incertitude où ces Avanturiers
estoient, quelques-uns d'eux voyant
déja des habitations commencées, &
la commodité qu'ils recevroient de la
grande Isle, d'où ils pourroient avoir
de la viande quand ils voudroient, ce
qui leur manquoit à Saint Christophe,
fit qu'ils resolurent de demeurer à l'Isle
de la Tortuë, & promirent à leurs

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Compagnons qu'ils ne les abandonneroient
pas. La moitié de ceux-cy allerent
sur la grande Isle tuer des Bœufs
& des Porcs, pour en saler la viande,
afin de nourrir les autres qui travailloient
à rendre l'Isle habitable. On asseura
ceux qui alloient en mer, que
toutes les fois qu'ils reviendroient de
course, on leur fourniroit de la viande.

Les Avanturiers
se divisent
en
trois bandes,
& se distinguent
chacune
par des
noms convenables
à leurs
fonctions.
Voilà comme le petit nombre de
ces Avanturiers fut divisé en trois bandes,
dont les uns s'appliquerent à la
chasse, & prirent le nom de Boucaniers,
les autres à faire des courses, &
prirent le nom de Flibustiers, du mot
Anglois Flibuster, qui signifie Corsaire;
les derniers s'adonnerent au travail
de la terre, & on les nomma Habitans.

Les habitans qui estoient en fort
petit nombre, ne laisserent pas de demeurer
possesseurs de cette Isle, sans

Quelques
Anglois se
joignent avec
les François.
qu'on pût les en empescher: Plusieurs
Anglois qui vinrent se retirer
avec eux y furent tres-bien reçus.
Quelque temps aprés il vint des Navires
de France sur cette Isle traiter avec
eux; les Avanturiers y apportoient un
Butin fort considerable, les Boucaniers

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des cuirs de Bœuf: si bien que les Navires
qui venoient y negocier trouvoient leur
compte, & remportoient non seulement
en cuirs la valeur de leur Cargaison,
ou charge de Marchandise; mais
encore en Tabac, en pieces de huit, &
en Argenterie.

Les Espagnols voyant que l'accroissement
de ces gens-là ne pouvoit estre
que tres mauvais pour eux, resolurent
de les détruire, & de se remettre en
possession de l'Isle de la Tortuë: cela
ne fut pas difficile, car ces Avanturiers
n'ayant esté tourmentez d'aucune
Nation, croyoient estre les souverains
Maistres de tout, & ne s'estoient point
precautionnez pour se défendre. Les

Les Espagnols
reprennent
la Tortuë,
pendant
que les Avanturiers
sont,
en mer.
Espagnols sans perdre de temps, prirent
l'occasion que les Boucaniers étoient
à la chasse sur la grande Isle, &
les Avanturiers en mer; & comme il ne
restoit que tres-peu d'Habitans qui n'étoient
pas capables de grande resistance,
le General de la Flotte des Indes d'Espagne
vint avec quelques vaisseaux,
dans lesquels il avoit fait embarquer
bon nombre de Soldats. Ayant fait
descente il passa au fil de l'épée tous
ceux qu'il pût attraper; il fit mesme

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pendre les autres qui vinrent à luy, aprés
qu'il fut en possession de l'Isle; ce qui
fut cause qu'une bonne partie se sauva
pendant la nuit dans des Canots. Ce
General Espagnol laissa l'lsle & retourna
à Saint Domingue, sans mettre de
garnison dans la Tortuë. Et comme il
sçavoit qu'il y avoit quantité de Boucaniers
dans l'Isle Espagnole qui détruisoient
tout le bestail, il ordonna
qu'on levast quelques Compagnies de
gens de guerre pour les détruire: Ces
Compagnies furent appellées cinquantaines;
& depuis les Espagnols les ont
entretenuës jusqu'aujourd'huy.

Le; François
reviennent
à la Tortuë
sous la
conduite
d'un Capitaine
Anglois.
La Flotte d'Espagne estant partie,
les fugitifs de cette Isle serassemblerent,
& se remirent en possession de l'Isle
sous la conduite d'un Capitaine Anglois
nommé Villis. Peu de temps
aprés un Avanturier François y arriva;
le changement qu'il trouva ne luy plût
pas sort, & il voyoit à regret que les
Anglois estoient maistres de cette Isle.
Il prévoyoit bien qu'ils feroient là comme
à Saint Christophe, d'où ils voulurent
chasser les François, quand ils se
sentirent les plus forts. Cet Avanturier
partit de la Tortuë sans rien dire, &

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vint à Saint Christophe trouver Mon-
Monsieur de
Poincy est
averti par un
Avanturier
de ce qui se
passe a la
Tortue.
sieur le Chevalier de Poincy qui y
commandoit en qualité de General au
nom de l'Ordre de Malthe: Il luy
donna avis de ce qui se passoit à la
Tortuë, & luy fit connoistre les avantages
qu'il tireroit de cette Isle, s'il en
chassoit les Anglois. De plus, il l'afsura
que leur Chef estoit sans aveu, &
que les François lassez d'estre sous la
domination Angloise, ne manqueroient
pas de prendre les armes en sa
faveur, en cas que cette Nation voulust
faire resistance.

Monsieur de Poincy recent cet avis
comme il devoit, & en fit l'ouverture
à Monsieur le Vasseur nouvellement
arrivé de France, n'en ayant point dans
son Isle de plus capable que luy d'une
telle entreprise, parce qu'il estoit non
seulement bon Capitaine & bon Ingenieur,
mais il avoit encore une connoissance
toute particuliere des Isles de
l'Amerique. Monsieur le Vasseur dont
l'esprit estoit penetrant, reconnut que
cette occasion luy seroit avantageuse,
c'est pourquoy il se disposa promptement
à partir pour executer la proposition
de Monsieur de Poincy. Ils con-


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Convention
de Monsieur
de Poincy
avec Monsieur
le Vasseur.

vinrent donc ensemble, que Monsieur
le Vasseur iroit prendre possession de
l'Isle de la Tortuë, & en seroit Gouverneur
au nom de Monsieur de Poincy,
& que pour cela ils payeroient
chacun par moitié les dépenses necessaires.
Monsieur de Poincy luy promit
d'en faire les avances, & de ne le
laisser manquer de rien: L'accord étant
fait, Monsieur le Vasseur amassa quarante
hommes de la Religion protestante
comme luy, les fit embarquer;
Ayant pris des vivres autant qu'il en
avoit besoin, il partit de S. Christophe
pour l'Isle Espagnole, où en peu
de jours il vint moüiller l'ancre au
port Margot, dont j'ay désia parlé, au
costé du Nord de ladite Isle, environ
à sept lieuës de la Tortuë. Aussi-tost
qu'il fut arrivé, il s'informa en quel
estat estoit la Tortuë, & amassa environ
40. Boucaniers François, à qui
il découvrit son dessein, leur demandant
si ils vouloient estre de la partie,
ce qu'ils ne refuserent point; au contraire,
ils luy promirent de le bien seconder.
Aprés avoir pris ses mesures,
& s'estre assuré de ses Boucaniers, il
descendit à l'Isle de la Tortuë, vers

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la fin du mois d'Aoust 1640.

Dés qu'il fut à terre, il fit dire au

Monsieur le
Vasseur se
rend maistre
de la Tortuë.
Gouverneur Anglois qu'il estoit venu
pour venger l'affront que sa Nation
avoit fait aux François, & que si dans
vingt-quatre heures il ne sortoit avec
tout son monde, il mettroit tout à
feu & à sang. Les Anglois ne furent
pas long-temps à resoudre ce qu'ils avoient
à faire, car voyant que la partie
n'estoit pas tenable pour eux, ils
jugerent qu'il valoit mieux quitter. A
l'heure mesme ils s'embarquerent avec
precipitation, & mesme assez confusément
dans un vaisseau qui estoit à la
Rade, & ils partirent de là sans oser
rien entreprendre pour la défense de
l'Isle. A la verité quand ils l'auroient
voulu, ils n'auroient pas pû, car dés le
moment que les François qui estoient
avec eux virent arriver Monsieur le
Vasseur, ils prirent les armes contre les
Anglois, & mirent d'abord tout au pillage,
ce qui les obligea de partir sans
avoir le temps de capituler.

Voilà comme Monsieur le Vasseur
se vit en peu de temps vainqueur des
Anglois, & maistre de l'Isle de la Tortuë,
sans répandre une goute de sang.


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Il fit aussi-tost voir sa Commission aux
habitans, qui la receurent tres-bien. Il
visita l'Isle afin d'observer les lieux qui
avoient besoin de fortification, car il
avoit envie de se mieux garantir des attaques
des Espagnols, que ceux qui
avoient esté devant luy possesseurs de
cette Isle. Il remarqua qu'elle estoit
inaccessible de tous costez, excepté de
Monsieur le
Vasseur visite
l'Isle de la
Tortuë, & y
fait bastir le
Fort de la
Roche.
celuy du Zud, où il trouva bon d'y
bastir un Fort, en un lieu le plus commode
du monde, parce qu'il n'avoit
pas besoin de grande dépense, estant
fortifié naturellement. Ce lieu estoit
sur une montagne éloignée environ de
six cens pas de la Rade d'oùelle pouvoit
estre commandée. Sur cette montagne
il y avoit une Roche qui contenoit environ
25. ou 30. pas de grandeur en
quarré, & environ 4. à 5. toises de
hauteur, fort platte par dessus. Monsieur
le Vasseur fit bastir sur cette Roche
une maison pour y faire sa demeure,
on y montoit par dix ou douze
marches qu'il avoit fait tailler dans le
mesme Roc, & l'on achevoit d'y monter
avec une échelle de fer que l'on tiroit
en haut quand on y estoit monté;
il la munit de deux pieces de canon de

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fonte & deux de fer. Auprés de cette
Roche, environ 10. à 12. pas, il sortoit
une source d'eau douce gros comme le
bras: Il fit outre cela entourer ce Roc
de murailles, & se trouva par ce moyen
en état de resister à toutes les forces
que les ennemis pourroient luy opposer,
parce que ce lieu estoit entouré de
halliers, de grands bois, & de precipices
qui le rendoient inaccessible, n'ayant
rien qu'une avenuë, où il ne pouvoit
passer plus de trois hommes de front.
On nomma ce Fort selon sa situation,
le Fort de la Roche, dont il porte encore
aujourd'huy le nom.

Les peuples qui étoient dans les Isles

Les Avanturiers
reviennent
à la
Tortuë.
voisines, voyant que Monsieur le Vasseur
avoit mis l'Isle de la Tortuë en
estat de se défendre contre toute sorte
d'ennemis, y vinrent avec plus de courage
que jamais. Ce fut alors que l'on
vit cette Isle abonder en Avanturiers,
en Boucaniers, & en habitans qui venoient
feliciter ce nouveau Gouverneur,
& demander sa protection, &
la faveur d'estre du nombre des siens;
ce qu'il leur accordoit volontiers, &
les recevoit tous avec beaucoup de
joye, leur promettant de les bien maintenir.


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Les Espagnols ayant esté avertis de
cette seconde entreprise que les Etrangers
faisoient pour établir une Colonie
sur cette Isle, qui ne leur pouvoit estre
que pernicieuse, resolurent de les en
chasser une seconde fois, & dans ce
dessein équipperent à Saint Domingue
six, tant Navires que Barques, sur lesquelles
ils mirent cinq à six cent Soldats,
sous la conduite de Don B. D. M. pour
venir reprendre possession de l'Isle de
la Tortuë.

Les Espagnols
viennent
une seconde
fois
pour teprendre
la Tortuë.

Les Espagnols vinrent avec cet équipage
moüiller l'ancre devant le Fort
de la Tortuë, ne sçachant pas toutefois
qu'il y en eust, mais ils ne tarderent
gueres sans en estre avertis par des
coups de canon, qui les obligerent de
lever aussi-tost l'ancre. Neanmoins ils
ne perdirent pas courage, car ils retournerent
moüiller à deux lieuës plus
bas, à un lieu nommé Cayonne, où ils
mirent leurs gens à terre, qui allerent
à dessein de prendre ce Fort; mais on
les reçut de telle sorte. qu'ils furent
contraints de se retirer sans aucun succez
de leur entreprise, outre qu'ils perdirent
plus de deux cens hommes; car
tous les habitans qui estoient retirez

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dans ce Fort firent une sortie sur eux
& les repousserent jusques à leurs vaisseaux.
Monsieur le Vasseur estant resté
victorieux eut de grands applaudissemens
de tous ses habitans, qui s'estimoient
heureux d'estre sous la conduite
d'un homme comme luy, qui
les avoit mis à couvert des insultes de
leurs ennemis.

Le bruit de cette victoire fut jusques

Monsieur de
Poincy apprend
que
Monsieur le
Vasseur a
défait les Espagnols.

aux oreilles de Monsieur de Poincy
qui estoit à Saint Christophe, il en
fut réjoüi, neanmoins il se meffioit de
Monsieur le Vasseur, & craignoit que
quand il seroit parvenu à tel point
qu'on ne pourroit luy rien faire dans
son Isle, il ne s'en rendist le maistre
absolu, & qu'il n'executast pas le contrat
passé entr'eux. Il se précautionna
en envoyant deux de ses parens pour
Il luy envoye
deux de
ses parens
pour l'observer.

l'observer, sous pretexte de se réjoüir
avec luy de sa victoire, & d'y vouloir
faire une habitation. Monsieur le Vasseur
qui estoit fin & subtil, se douta
d'abord où cela tendoit: il reçut fort
bien ces deux Messieurs, & aprés beaucoup
d'offres de services, leur fit mille
amitiez, & sceut si bien les ménager,
qu'il les obligea adroitement de quitter

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l'Isle, & de retourner à Saint Christophe.

Monsieur le Vasseur se voyant bien
dans l'esprit de ses habitans, qui étoient
tout à fait à luy, crut que sa
fortune estoit parfaitement établie, &
qu'il en falloit profiter sans perdre de
temps. Ces reflexions changerent son
humeur, de doux qu'il avoit paru au
commencement, il devint severe, &
maltraita ses habitans, tirant plus de
tribut d'eux qu'ils n'en pouvoient payer;
il les faisoit punir pour la moindre faute;
il alla mesme jusques à leur empescher
l'exercice de la Religion Catholique,
fit brûler leurs Eglises, &
chasser un Prestre qu'ils avoient.

Monsieur de Poincy estant averty
du mauvais procedé de Monsieur le
Vasseur, tâcha de le retirer de là par
de belles promesses, & luy fit faire des
propositions avantageuses; mais il étoit
trop habile pour ne pas voir ces pieges,
& sceut toûjours les éviter, sans donner
sujet à Monsieur de Poincy de
se plaindre de luy. Pendant que le sieur
le Vasseur gouvernoit en Souverain, &
qu'il se plaisoit dans sa nouvelle grandeur,
deux de ses meilleurs amis conspiroient


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sa mort; c'étoit deux Capi-
Deux Capitaines
concertent
d'assassiner
Monsieur
le Vasseur.

taines qu'on disoit estre ses Compagnons
de fortune, quelques-uns ont
dit qu'ils étoient ses neveux: Enfin il
les aimoit tellement, que n'étant point
marié, il les fit ses heritiers. On croit
que le sujet de cette conspiration fut
une maistresse que Monsieur le Vasseur
leur avoit ravie. Enfin ils en vinrent à
l'execution, s'imaginant que les habitans
leur seroient bien obligez de les
avoir délivrez d'un Tyran, & qu'aprés
cet assassinat, ils possederoient ses biens,
& gouverneroient paisiblement dans
l'Isle. Un jour le sieur le Vasseur descendant
de la Roche pour venir au bord
de la mer visiter un Magazin qu'il avoit,
un de ces assassins luy tira un coup de
fulfil pensant le tuer, mais il n'en fut
que legerement blessé: L'autre s'en appercevant
entra & l'acheva à coups de
poignard. J'ay sceu qu'il demanda un
Prestre, disant qu'il vouloit mourir
Catholique.