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Histoire des avanturiers qui se sont signalez dans les Indes :

contenant ce qu'ils ont fait de plus remarquable depuis vingt années. Avec la vie, les mœurs, les coûtumes des habitans de Saint Domingue & de la Tortuë, & une description exacte de ces lieux; où l'on voit l'établissement d'une chambre des comptes dans les Indes, & un etat, tiré de cette chambre, des offices tant ecclesiastiques, que seculiers, où le roy d'Espagne pourvoit, les revenus qu'il tire de l'Amerique, & ce que les plus grands princes de l'Europe y possedent ...
  
  
  
A MONSIEUR
  
  

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A
MONSIEUR

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MONSIEUR,

Il semble qu'on ne doive pas
songer à vous offrir aucun Ouvrage,
parce que vous estes toûjours
occupé, & que vous n'avez pas



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un moment à perdre. Cependant,
MONSIEUR, c'est pour cela
mesme que je vous offre cette Histoire,
qui contient des choses également
necessaires à sçavoir, &
agreables à lire. Comme elle contient
des choses necessaires à sçavoir,
vous ne devez pas craindre
de perdre vostre temps à une
lecture vaine & sterile. Comme
elle est remplie d'une infinité d'autres
aussi agreables à lire, vous
ne manquerez pas non plus d'y
rencontrer dequoy vous détasser de
vos grandes occupations.

A la verité il y a beaucoup
d'Histoires qui instruisent; mais
il y en a peu comme celles-cy, qui
divertissent & qui instruisent en
mesme temps. Par exemple vous
y apprendrez plusieurs particularitez
curieuses, & jusques icy inconnuës,
qui regardent le Roy
d'Espagne. Vous y verrez de quelle
maniere il gouverne dans les



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Indes, les Dignitez, soit Temporelles,
soit Ecele siastiques où il
pourvoit, les revenus qu'il en tire;
en sorte que ces Royaumes de
la Nouvelle Espagne luy valent
plus que tous ceux de l'Ancienne.

Vous verrez encore ce que les
plus grands Princes de l'Europe
possedent dans ces païs: Principalement
nostre Auguste Monarque,
qui y a établi & y maintient les
fameuses Colonies qu'on y void
aujourd'huy, plûtost pour la gloire
du nom François & pour l'utilité
de ces mesmes Colonies, que pour
la sienne propre. Vous observerez
que là, comme ailleurs, il se fait
craindre, il se fait aimer; qu'il
regne, qu'il triomphe; en un mot
qu'il est par tout LOUIS LE
GRAND.

Sur tout vous serez touché de
l'empressement qu'ont ses Sujets à
luy plaire, à le servir, & à luy
obeir dans ces climats éloignez,



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comme s'il estoit present. Je dis
que vous en serez touché, puisqu'on
ne sçauroit estre plus animé que
vous de cette belle émulation.

Vous le faites bien connoistre,
MONSIEUR, dans l'employ
que vous exercez, où vous servez
ce Prince & le public avec autant
de zele que de succez. Succez où
Messieurs vos Confreres ont beaucoup
de part; car c'est un sentiment
general, que les Consignations
n'ont jamais esté en de si
bonnes mains.

Elles sont, pour ainsi dire, un
Canal aussi seur que fidele, dans
lequel les plus precieuses eaux
viennent se rendre de toutes parts,
où on les trouve toûjours aussi pures
qu'elles y ont esté receues, &
d'où elles coulent sans s'arrester,
pour se répandre ensuite par tout où
il est besoin, & c'est vous, MONSIEUR,
qui leur donnez le
mouvement.



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L'on sçaitencore, que vous vous
acquittez de cette fonction penible
avec autant de facilité, que si
elle ne l'estoit pas; que vous travaillez
aussi volontiers pour l'homme
du commun, que pour l'homme
qui se distingue, pour l'inconnu
que pour l'ami. C'est pourquoy
tout le monde ayme à avoir affaire
à vous, parce que vous aimez à
contenter tout le monde. Et ce qui
est difficile & plus glorieux pour
vous; c'est que vous ne le pouvez
contenter sans une prompte
expedition, precedée d'un grand
travail, où vous estes toûjours assidu
& toûjours infatigable.

Ce n'est donc pas sans sujet,
MONSIEUR, qu'on s'attend,
qu'on se confie & qu'on se raporte
de tout à vous; & sans doute il
faut avoir beaucoup d'experience
& de probité, pour meriter une
confiance & une aprobation si universelle.



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Aprés cela, MONSIEUR, ne
vous étonnez pas si vous vous
faites des amis, lors mesme que
vous y pensez le moins, si chacun
s'empresse à sa maniere à vous témoigner
sa reconnoissance de l'ardeur
& de l'aplication que vous
avez à rendre service, si moy qui
connois l'une & l'autre, j'ay de
l'impatience de vous donner ces
marques publiques de mon estime,
& de la passion sincere avec laquelle
je suis,

MONSIEVR,
Vostre tres-humble & tresobeïssant
serviteur,
De Frontignieres.