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CHAP. XIII.

Des Arbres, Herbes, & Fruits exquis
que produit la terre du Bresil.

AYANT discouru ci dessus
des animaux a quatre pieds,
ensemble des Oy seaux, Poissons,
Reptiles, & choses
ayans vie, mouuement & sentiment,
qui se voyent en l'Amerique: auant
encores que parler de la Religion,
Guerre, Police, & autres manieres de
faire qui reste à dire de nos Sauuages, ie
poursuyuray à descrire les Arbres, Herbes,
Plantes, Fruits & en somme ce qu'on
dit communément auoir ame vegetatiue
qui se trouuent aussi en ce pays là.

Premierement entre les arbres les plus
celebrez & cogneus maintenant entre
nous, le bois de Bresil (duquel ceste terre
a prins son nom a nostre esgard) à cause
de la teinture qu'on en fait, est des plus
estimez. Cest arbre dõcques, que les Sau-

Araboutan

bois de
bresil & la
facon de
l'arbre.
uages appelent Araboutan, croist communément
aussi haut & branchu que
les Chesnes és forests de ce pays: & s'en
trouue qui ont le tronc si gros, que
trois hommes ne scauroyent embrasser
vn seul pied. Quant à la fueille, elle est
comme le buys: toutes fois de couleur tirant

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plus sur le vertgay, & ne porte aucun
fruit.

Mais touchant la maniere d'en charger
les Nauires, dequoy ie veux faire mention
en ce lieu, notez que tant à cause de
la dureté, & par consequent de la difficulté
qu'il y a de couper ce bois, que par-

Nuls cheuaux
ni
autres ani
maux pour
charrier en
l'Ameriq.

ce que n y ayant cheuaux, asnes, ni autres
bestes pour porter, charrier, ou traisner
les fardeaux en ce pays la, il faut necessairement
que ce soyent les hommes qui facent
ce mestier: n'estoit que les estrangers
qui voyagent par dela, sont aidez des Sau
uages, ils ne scauroyent charger vn moyẽ
Nauire en vn an. Les Sauuages doncques
moyennant quelques robes de frizes, che
mises de toiles, chapeaux, cousteaux, &
autres marchandises qu'on leur baille,
non seulement (auec les coignees, coings
de fer, & autres ferremens que les Francois
& autres de par deça leur donnent)
coupent, scient, fendent, mettent parquar
Sauuages
coupans &
porians le
bois de Bre
sil surleurs
espaules
pour charger
les Na
uires.

tiers, & arrõdissent ce bois de Bresil, mais
aussi le portent sur leurs espaules toutes
nues, voire le plus souuent, d'vne ou de
deux lieuës loin, par des montagnes &
lieux assez fascheux iusques sur le bord de
la mer pres desvaisseaux qui sont à l'ãcre,
ou les Mariniers le reçoyuẽt. Ie di expres
sément q͂ les Sauuages, despuis que les Frã
çois & Portugais frequentẽt en leur pays

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coupent leur bois de Bresil: car auparauãt
Facon an
cionne des
Ameriquainsd'a-

batre vn
arbreestoit
mettre le
feu au pied
ainsi que i'ay entendu des vieillards, lis
n'auoyent presques autre industrie pour
abbatre vn arbre, sinon que de mettre le
feu au pied. Et parce aussi qu'ily a des per
sonnages pardeca, qui pensent que les bu
ches rondes, qu'on voit ordinairement
chez les marchans, soit la grosseur des ar
bres: pour mõstrer que tels s'abusent, outre
que i'ay ia dit qu'il s'en trouue de fort
gros, i'ay encores adiousté que les Sauuages,
tãt afin qu'il leur soit plus aisé à por
ter qu'aisé à manier dans le Nauire, l'arrondissent
& accoustrent de ceste facon.
Ausurplus, parce que durãt le temps que
nous auons esté en ce pays là, nous auons
fait de beaux feux de ce bois de Bresil:
i'ay obserué que n'estant point humide
comme les autres arbres, ains comme na
Feude bois
de Bresil
presque
sans fumce
turellement sec, qu'il ne fait que biẽ peu,
& presques point du tout de fumee en
bruslant. Ie diray d'auantage, qu'ainsi
Cendre de
Bressl reignãten
rou
ge trompe
celuy qui
en pensoit
blanchtrdu
linge.
qu'vn iour vn de nostre cõpagnie se vou
lant mesler de blãchir nos chemises, sans
se douter de rien, mit des cendres de Bre
sil dans la lessiue, qu'au lieu de les faire
blanches, il les fit si rouges, que quoy
qu'on les sceust lauer puis apres il n'y
eut ordre de leur faire perdre ceste couleur:
de façon qu'il nous les fallut ainsi
vestir & vser.


197

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Au reste, parce que nos Tououpinambaoults
sont fort esbahis de voir prendre
tant de-peine-aux François, & autres de
lointains pays, d'aller querir leur Arabout
an,
c'est à dire Bresil: il y eut vne fois
vn vieillard d'entr' eux qui sur cela me fit
telle demande. Que veut dire que vous

Colloquede
l'auteur &
d'vn Sauua
ge monstrãt
qu'ils
ne sont
nnllement
tourdaux.

autres Maïr & Peros (c'est à dire Francois
& Portugais) veniez querir de si loin
du bois pour vous chauffer? n'en y a il
point en vostre pays? A quoy luy ayant
respondu qu'ouy & en grande quantité,
mais non pas de telle sorte que les leurs,
ni mesmes du bois de Bresil, lequel les
nostres n'emmenoyent pas pour brusler
comme il pensoit, ains (comme eux mefmes
en vsoyent pour rougir leurs cordons
de Cotons, plumes & autres choses)
pour faire de la teinture, il me repliqua
soudain. Voire mais vous en faut il tant?
Quy luy di-ie car (en luy faisant ti ouuer
bon) y ayant tel marchant en nostre pays
quia plus de frises & de draps rouges:
voire mesmes m'accommodant à luy par
ler de choses qui luy fussent cogneues)
de cousteaux ciseaux, mirouers, & autres
marchan dises que vous n'en auez iamais
veu par deca, il achetera luy seul tout le
bois de Bresil, dont plusieurs Nauires
s'en retournent chargezde ton pays. Ha
ha! dit mon Sauuage, tu me contes merueilles.

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Puis ayant bien retenu ce que ie
luy venois de dire, m'interroguant plus
auant dit. Mais cest homme tant riche
dont tu me parles, ne meurt il point? Si
fait, si fait luy di ie, aussi bien que les autres.
Surquoy (comme ils sont grands dis
coureurs, & poursuyuẽt fort bien vn pro
pos iusques au bout) il me demanda derechef:
& quand doncques il est mort, à
qui est tout le bien qu'il laisse? A ses enfans
s'il en a, & au defaut d'iceux à ses
freres, seurs, ou plus prochains parens.
Vrayement, me dit lois mon vieillard
(nullement lourdaut) à ceste heure cognois
ie que vous autres Mair, c'est à
dire François, estes de grands fols: car
vous faut il tant ti auailler à passer la mer
sur laquelle (comme vous nous dites estans
arriuez par deça) vous endurez tant
de maux, pour amasser des richesses ou à
vos enfans, ou à ceux qui suruiuentapres
vous? La terre qui vous a nourris,
n'est elle pas aussi suffisate pour les nour
Sentence
notable &
plus que
Philosopha
led'vn Sau
uage Ame
riquain.
rir? Nous auons (adiousta il) des parẽs, &
des enfans, lesquels, comme tu vois, nous
aimons & cherislons: mais parce que nous
nous asseurons qu'apres nostre mort, la
terre qui nous a nourris les nourrlra,
sans nous en soucier autrement, nous
nous reposons sur cela. Voila sommairement
& au vray le discours que i'ay entendu

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de la bouche d'vn pauure Sauuage
Ameriquain. Partant outre que ceste na-
Ameriquains
se
moquans
de ceux qui
hasardent
leurs vies
pour s'enri
chir attribuent
plus
ala fertili
té de la
terre que
ne faisons
ala prouidence
de
Dieu.

tion, que nous estimons tant barbare, se
moque de bonne grace de ceux qui au da
ger de leur vie passent la mer pour aller
querir du bois de Bresil a fin de s'enrichir,
encores q͂lque aueugle qu'elle soit attribuant
plus à nature & a la fertilité de la
terre que nous ne faisons à la puissance &
prouidence de Dieu, se leuera elle en iugement
contre les rapineurs, portans le
titre de chrestiẽs, dõt la terre de par deça
est aussi rẽplie, que leur pays en est vuide
quant a ses naturels habitans. Et pleust à
Dieu, suyuãt ce que i'ay dit que nos Tououpinambaoults
haissent mortellement les
auaricieux, qu'arin qu'ils seruissẽt desia de
Demons & de furies pour tourmẽter nos
gouffres insatiables qui n'ayãs iamais as
sez de biẽs, ne font ici que succer le sang
des autres) ils fussent tous cõfinez parmi
eux. Il falloit qu'a nostre grande honte,
& pour iustifier nos Sauuages du peu de
soin qu'ils ontdes choses de ce mõdeie fis
se cestedigressiõ en leur faueur. A quoyce
me sẽble, encor biẽ a propos, ie pourray
Hist. ge.
des Ind.
li. 4. ch.
108

adiouster ce que l'historiẽ des Indes a escrit
d'vne certaine natiõ de Sauuages du
Peru. Carcõmeil dit voyãs ducõmẽcemẽt
les Espagnols roder en ce pays là: ne les
voulãs receuoir (tant parce qu'ils estoyẽt

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barbus, que les voyãs ainsi si bragards &
mignons ils craignoyent qu'ils ne les cor
Reproche
des Sauua
ges aux va
gabonds.
rompissent & changeassent leurs anciennes
coustumes) les appeloyent escume de
la mer, gens sans peres, hommes sans repos
qui ne se peuuent arrester en aucun
lieu pour cultiuer la terre afin d'auoir à
manger.

Quatre ou
cinq sortes
de Pal
miers en
l'Ameriq.
Poursuyuant doncques à parler des
arbres de ceste terre d'Amerique, il s'y
trouue de quatre ou cinq sortes de Palmiers,
dont entre les plus communs sont
vn nommé par les Sauuages Geraü, & vn
Yri arbre
& sõ fruit
autre Yri: mais comme ni aux vns ni aux
autres ie n'ay iamais veu de Datres, aussi
croy ie qu'ils n'en produisent point. Biẽ
est vray que l'Yri porte vn fruit rõd com
me petites prunes serrees & arrengees
ensemble, ainsi que vous diriez vn bien
gros raisin: tellement que c'est tant qu'vn
hõme peut leuer d'vne main: mais il n'y a
que le noyau, qui n'est pas plus gros que
celuy d'vne cerize, qui en soit bon. Da-
Tendrons
à la cime
des ieunes
Palmiers
bons contre
tes hemorroides.

uantage il y a aussi vn tendron blanc entre
les fueilles de la cime des ieunes Palmiers,
lequel nous coupions pour manger:
& disoit le sieur du Pont. qui estoit
suiet aux hemorroïdes que cela y estoit
bon: dequoy ie me rapporte aux Medecins.

Vn autre arbre que les Sauuages appelent


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Aïri, lequel, bien qu'il ait les fueil-
Airy
espece d'ebene
arbre
espineux &
son fruit.

les cõme le Palmier, qu'il soit garni tout
à lentour d'espines, aussi desliees & picquantes
qu'esguilles, qu'il porte aussi vn
fruit de moyenne grosseur dans lequel se
trouue vn noyau blanc comme neige, qui
toutes fois n'est pas bon à mãger, est neãtmoins
à mon aduis vne espece d'hebene:
car outre ce qu'il est noir, & que les Sauuages
à cause de sa durté en font leurs espees
& massues de bois: voire vne partie
de leurs flesches, lesquelles ie descriray
quand ie parleray de leurs guerres, estant
fort poli & luysant quãd il est mis en besongne,
encores est il si pesant que si on
le met en l'eau, il ira au fond.

Au reste, & auant que passer plus outre,
il se trouue de beaucoup de sortes de
bois de couleur en ceste terre d'Amerique,
dont ie ne scay pas tous les noms des
arbres. Entre les autres, i'en ay veu d'aus-

Bois iaunes
violets
blancs &
rouges.

si iaunes que Buis, de naturellement violets,
dont i'auois apporté quelques reigles
en France, de blancs comme papier:
d'autres sortes de rouges que le Bresil,
dequoy les Sauuages font aussi des espees
de bois & des arcs. Vn autre qu'ils
nomment Copa-ü, lequel outre que sur le
Copaü
arbre ressemblant

au noyer.

pied il resemble aucunement au Noyer,
sans porter noix toutesfois, encores les
ais comme i'ay veu, en estant mis en besongne

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en meuble de bois, ont la mesme
Fueilles
d'arbre de
l'espesseur
d'vn teston
& d'autres
fort longs.
veine. Semblablement il s'en trouue au
cuns qui ont les fueilles plus espessesque
vn teston: d'autres les ayans larges de
pied & demi: & de plusieurs autres especes
qui seroyent longues a reciter par le
menu.

Bois de
senteur de
Roses.
Mais sut tout ie diray qu'il y a vn arbre
en ce pays là, lequel auec la beauté sẽt
si merueilleusement bon, que quand les
menuisiers le chapotoyent ou rabotoyẽt
si nous en prenions des coupeaux ou des
buchilles en la main, nous auiõs la vraye
senteur d'vne franche rose. D'autre au
contraire que les Sauuages appelent A-
Aouai
arbre puãt
& son fruit
venimeux.
ou-ai qui put & sent si fort les aulx, que
si on le coupe, ou qu'on en mette au feu,
on ne peut durer aupres. Ce dernier a
presques les fueilles comme celles d'vn
pommier: mais au reste son fruit (lequel
est aucunement de la forme d'vne chastaigne
d'eau) & encores plus le noyau
qui est dedans, sont si venimeux, que qui
en mangeroit il sentiroit soudain l'effet
d'vn vray poison. Toutes fois parce que
cest celuy, dont i'ay dit ailleurs que nos
Ameriquains font des sonnettes pour
mettre a lentour de leurs iambes ils
l'ont en grande estime a cause de cela. Et
faut noter en cest endroit, qu'encores

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(cõme nous verrons en ce chapitre) que
ceste terre du Bresil produise beaucoup
de bons & excellens fruits, neantmoins
il s'y trouue plusieurs arbres qui por-
Plusieurs
arbres en
l'Ameriq.
portans
fruits dau
gereux a
manger.

tent fruits beaux a merueilles, lesquels
toutesfois, ne sont pas bons à manger.
Et nommément sur le riuage de la mer
il y a force arbrisseaux qui portent les
leuis ressemblans presques a nos poires
yurees, mais tres dã gereux à manger. Aus
si les Sauuages voyans les François, ou
autres estrangers approcher de ces arbres
pour cueillir le fruit, leur disant
en leur langage ypochi, c'est à dire il n'est
pas bon, les aduertissant de s'en donner
garde.

Hiuouraé (comme ie l'ay ouy affermer

Hiuou
raué
espece de
Gaiat dõt
les Sauuages
vsent
contre vne
maladie
nommee
Pians

a deux ieunes appoticaires qui auoyent
passé la mer auec nous) ayant l'escorce
de demi doigt d'espais, & assez plaisante
à manger, principalement venant fraif
chement de dessus l'arbre, est vne espece
de Gaiat. Et de fait les Sauuages en
vsent contre vne maladie qu'ils nomment
Pians, laquelle, comme ie diray ailleurs,
est aussi dangereuse qu'est la grosse
verole par deça.

L'arbre que les Sauuages appelẽt Choyne
est de moyenne grãdeur, a les fueilles


204

Page 204
Choyne
arbre portant
fruit
gros comme
la teste
d'vn enfãt
duquel les
Sauuages
font leurs
maraca &
autres
vaisseaux.
approchantes de forme de celle d'vn Lau
rier, & ainsi vertes: & porte vn fruit gros
comme la teste d'vn enfant, fait de la façon
d'vn œuf d'Austruche, lequel n'est
pas bon a manger. Neantmoins nos Tououpinambaoults
en reseruans de tous entiers
en font leur instrument nommé Ma
raca
(dont i'ay ia fait & feray encores men
tion) comme aussi tant pour faire les tasses
ou ils boiuent, qu'autres vaisseaux ils
en creusent & fendent par le milieu.

Continuant a parler des arbres, il s'en
trouue vn que les Sauuages nomment Sa-

Sabaucaie

arbre &
son fruit
fait en fa
con de gobelet
propre
a faire
vases.
baucaïe portant son fruit plus gros que
les deux poingts, fait en façõ d'vn gobelet,
dans lequel il y a certains petits noyaux
comme amendes, & presques de
mesmes goust. Le reste assauoir l'escorce
ou coquille de ce fruit, est fort propre à
faire vases, & pense que ce soit ce que
nous appelons noix d'indes, lesquelles
apres qu'elles sont tournees & appropriees
de telle façon qu'on veut, on fait
coustumierement enchasser en argent par
deça. Aussi nous estans en ce pays par
Pierre
Bourdon
excellent
tourneur
mal recom
pensé de
Villegag.
dela vn nommé Pierre Bourdon, excellent
Tourneur, ayant fait plusieurs beaux
vases & autres vaisseaux, tant de ces
fruits de Saboucaïe que d'autres bois de
couleur, il en fit present à Villegagnon
lequel les prisoit grandement: toutesfois

205

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le pauure homme en fut si mal recompensé
par luy que (comme ie diray
en son lieu) ce fut l'vn de ceux qu'il fist
noyer & suffoquer en mer à cause de l'Euangile.

Il y a au surplus vn arbre en ce pays là
lequel croist haut esleué comme les cormiers,
& porte son fruit nommé Acaiou

Acaiou
fruit gros
comme vn
œuf bon &
plaisant á
manger.

de la grosseur & figure d'vn œuf de poule.
Ce fruit estant venu à maturité est
plus iaune qu'vn coing, & au reste il est
non seulement bon à manger, mais aussi
ayant vn ius vn peu aigret, & neantmoins
agreable à la bouche, quand on a
chaut, ceste liqueur refreschit fort plaisamment:
toutesfois estant assez malaisé
d'abatre de dessus ces grãds arbres: nous
n'en pouuious gueres auoir autrement
sinon que les Guenons montans dessus
pour en manger nous en faisoyent tomber
en grande quantité.

Paco-aire est vn arbrisseau qui croist

Pacoaire

arbriseau
tendre.

communémeut de dix ou douze pieds de
haut, & quãt a sa tige, combien qu'il s'en
trouue qui l'ont presques aussi grosse
que la cuisse d'vn homme, tant y a qu'elle
est si tendre qu'auec vne espee bien tran-
Pacos
fruit: lõgs
croissans
par floqusis.


chante d'vn seul coup vous en abattrez
vn. Quant a son fruit que les Sauuages
nomment Paco, il est de plus de demi pied

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de long, de forme assez ressemblant à vn
Coucombre, & ainsi iaune quand il est
meur: toutesfois croissans vingt ou vingt
cinq serrez tous ensemble en vne seule
branche, nos Ameriquains les cueillans
par gros floquets tant qu'ils peuuent leuer
d'vne main, les emportent ainsi en
leurs maisons.

Touchant la bonté de ce fruit, quand
il est venu à sa iuste maturité, & que
la peau, laquelle se leue tout anisi que
d'vne figue fresche, en est ostee, vn peu
semblablement grumeleux qu'il est, vous

Paco
fruitayant
goust de figues.

diriez en le mangeant que c'est aussi vne
figue: & de fait à cause de cela nous
autres François nommions ces Pacos Figues:
vray est qu'ayant encores le goust
plus doux & sauoureux que les meilleures
Figues de Marseille qui se puissent
trouuer, il doit estre tenu pour l'vn
des beaux & bons fruits de ceste terre
du Bresil. Les histoires racontent bien
que Caton retournant de Carthage, raporta
à Rome des Figues de merueilleuse
grosseur, mais parce que les anciens
n'ont fait aucune mention de celles
dont ie parle, il est vray semblable
que ce n'en estoyent pas.

Au surplus les fucilles du Paco-aire


207

Page 207
sont de figures assez semblables à celles
de Lapathum aquaticum, mais au
reste estans de si excessiue grandeur,
que chacune a communément enuiron
Fueilles de
Pacoaire
d'excessiue
longueur
& largeur

fix pieds de long, & plus de deux de
large, ie ne croy pas qu'en l'Europe,
Asie, ni Affrique: il se trouue de si
grandes & si larges fueilles. Car quoy
que i'aye ouy asseurer à Apoticaire auoir
veu vne fueille de Petasites d'vne aulne
& vn quart de large, qui est à dire, ce simple
estant tout rond, trois aulnes & trois
quaits de circonference, encores n'estce
pas approcher de celles de nostre
Pacouaire. Il est vray que n'estans pas
espesses à la proportion de leur grandeur,
ains au contraire fort minces, &
toutesfois se tenans tousiours toutes
droites, quand le vent est vn peu impetueux
(comme ce pays d'Amerique y
est fort suiet) n'y ayant que la tige du
milieu de la fueille qui puisse resister,
tout le reste à lentour se decoupe de telle
façon, que les voyans vn peu de loin
sur l'arbre vous iugeriez que ce seroyent
plumes d'Austruches.

Quant aux arbres portans le cou-

Arbres portans
Coton
& lafacon
comment it
croist.

ton lesquels croissent en moyenne hauteur,
il y en a en abondance en ce
ste terre du Bresil: la fleur vient en

208

Page 208
petite clochette iaune comme celle des
corges ou citrouilles de par deça, mais
quand le fruit est formé non seulement il
a la figure approchante de la feine des
fosteaux de nos forests, mais aussi quand
il est meur, se fendant ainsi en quatre, le
coton (que les Ameriquains appelẽt Ame-
Ameni
iou
Couton.
ni-iou) en sort par touffeaux ou floquets,
gros cõme esteuf: lequel les femmes Sauuages
sauent bien amasser & filler pour
faire des licts à la façõ que ie les despeindray
ailleurs.

Dauantage combien (ainsi que i'ay entendu)
qu'anciennement il n'y eust ni Orangiers,
ni Citronniers, en ceste terre
d'Amerique, tant y a neantmoins que sur

Abondance
de gros
ses Oran
ges & citrõs
en l'A
merique.
le riuage de la mer ou les Portugois ont
frequenté, y en ayans planté & edifié, ils
n'y sont pas seulement grandement multipliez,
mais anssi ils pottent Oranges
(que les Sauuages nomment Morgouia)
douces & grosses cõme les deux poings,
& des Citrons encores plus gros & en
plus grand nombre.

Grande
quantité
de Cannes
de succre
eu la terre
du Bresil.
Touchant les Cannes de succre, il en
croist grande quantité en ce pays la: toutesfois
nous autres François n'ayans pas
encores, quãd i'y estois, les gens propres
ni les choses necessaires pour en tirer le
succre (comme ont les Portugais és lieux
qu'ils possedent par delà) ainfi que i'ay

209

Page 209
dit ci dessus au chapitre neufieme sur le
propos du bruuage des Sauuages, nous
les faisions seulement infuser pour faire
de l'eau sucree: ou bien qui vouloit en
sucçoit & mangeoit la moelle. Sur lequel
propos ie diray vne chose qui en fera pos
sible esmerueiller plusieurs C'est que cõ-
Vinaigre
de Cannes
de Succre.

tre la qualité du Sucre, laquelle comme
chacun scait, est si douce que rien plus,
nous auons neantmoins souuent expressément
laissé enuieillir & moisir des Cannes
de Sucre, lesquelles laissans ainsi
quelque temps tremper dans l'eau elles
s'aigrissoyent puis apres de telle façon
qu'elles nous seruoyent de vinaigre.

Semblablement il y a des endroits par

Gros Roseaux
dont
les Sauuages
font le
bout de
leurs flesches.


les bois ou il croist force Roseaux & Cãnes
aussi grosses que la iambe d'vn homme
mais bien (comme i'ay dit du Pacoaire)
qu'elles soyent si tendres sur le pied:
que d'vn coup d'espee on en coupera aisément
vne, si est-ce neantmoins qu'estãs
seiches elles sont si dures, que les Sauuages
les fendans par quartiers & les accõmodans
en maniere de lancette ou de lãgue
de serpent, en font le bout de leurs
flesches dequoy ils arresteront vne beste
Sauuage du premier coup.

Le Mastic y vient aussi par petis buissons:
lequel auec vne infinité d'autres her
bes & fleurs odoriferantes rend la terre


210

Page 210
de tresbonne & souefue senteur.

Finalemẽt parce qu'à l'endroit ou nous
estions assauoir sous le Capricorne, bien
qu'il y ait de grãds tonnerres, que les Sau
uages nõment Toupan, pluyes vehemẽtes

Terre du
Bresil exempte
de
neige gelee
& gresle.
& de grands vents, tant y a que ni gelant,
neigeant, ni greslant iamais, & par consequent
les arbres n'y estans point assaillis
ni gastez du froid & des orages (comme
sont les nostres par deça) vous les verrez
tousiours, nõ seulemẽt sus estre despouil
lez & desgarnis de leurs fueilles, mais
aussi tout le lõg de l'ãnee les forests sont
Arbres
tousiours
verdoyans
en l'Amerique.

aussi verdoyantes qu'est le Laurier en no
stre France. Aussi puis que ie suis sur ce
propos, quant au mois de Decẽbre nous
auõs ici nõ seulemẽt les plus petits iours
mais aussi que trancissans de froid nous
soufflõs en nos doigts, & auõs les glaçõs
pendus au nez, c'est lors que nos Ameriquains,
ayãs les leurs plus lõgs, ont si grãd
Plus long;
iours &
plus grãdes
chaleurs
au mois de
Decembre
en l'Amerique.

chaud en leur pays que cõme mes compa
gnõs du voyage & moy auõs experimẽté
nous nous y baigniõs à Noel. Toutesfois
cõme ceux qui entendent la Sphere peuuẽt
comprẽdre, les iours n'estãs iamais si
longs ne si courts sous les Tropiques que
Saisons tẽperces
sous
les Tropiques.

nous les auons, en nostre climat, ceux
qui y habitẽt les ont non seulement plus
esgaux, mais aussi (quoy que les anciens
ayent autrement estimé (les saisons

211

Page 211
y sont beaucoup & sans comparaison
plus temperees.. Cest ce que i'auois à
dire sur le propos des arbres de la terre
du Bresil.

Quant aux plantes & herbes dontie
veux aussi faire mention, ie commenceray
par celles lesquelles à cause de leurs
fruits & effets me semblent les plus excellentes.
Premierement la plante qui
produit le fruit nommé par les Sauuages

Plantes
& fueilles
de l'Ananas.


Ananas est de figure semblable aux glaieuls,
& encores, ayant les fueilles vn peu
courbees & canelees tout alentour, plus
approchãtes de celles d'Aloes. Elle croist
aussi non seulement emmoncelee comme
vn grand Chardon, mais aussi son
fruit, qui est de la grosseur d'vn moyen
Melõ, & de façon comme les Pommes de
Pins, sans pendre ny pancher d'vn costé
ni d'autre, viẽt de la propre sorte de nos
Artichaux.

Ces Ananas au surplus, estans ve-

Ananas

plus excellent
fruit
de l'Amerique


nus à leur maturitez, sont de couleur de
iaune azuré, & ont vne telle odeur de
framboise que non seulement allans
par les bois on les sent de loin, mais
aussi quant à leur goust fondans en la
bouche, & estans naturellement si doux
qu'il ny a confitures de ce pays qui les sur
passe, ie tiẽs que cest le plus excellẽt fruit
de l'Amerique. Et de fait moy-mesme en

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ayant autresfois pressé tel, dont i'ay fait
sortir pres d'vn verre de suc, ceste liqueur
ne me sembloit pas moindre que
la maluaisie. Cependant les femmes Sauuages
nous en apportoyent de grands pa
niers qu'elles nomment Panacons, auec
de ces Pacos dont i'ay ia fait mention, &
autres fruits lesquels nous auions d'elles
pour vn peigne ou pour vn mirouer.

Povr l'esgard des Simples que ceste ter
re du Bresil produit, il y en a vn entre les
autres que nos Tou-oupinambaoults nom-

Petun
simple de
singuliere
vertu.
ment Petun, lequel croist vn peu plus haut
que nostre grãde ozcille, a les fueilles assez
semblables, mais encores plus appro
chantes de celles de Cõsolida maior. Ceste
herbe, a cause de la singuliere vertu
que vous entendrez qu'elle a, est en gran
de estime entre les Sauuages: & voici cõmẽt
ils en vsent. Apres qu'ils l'ont cueillie
& fait seicher par petites poignees en
leurs maisons, ils en prennent quatre ou
cinq fueilles, lesquelles ils enuelopent
dans vne autre grand fueille d'arbre en
façon de cornet d'espice. Cela fait mettãs
Maniere
aes Sauua
ges d'humerla
fumee
de
Petun.
le feu par le petit bout, puis le mettans
ainsi vn peu allumé dans leur bouche, ils
en tirent la fumee, laquelle, combien que
elle leur ressorte par les narines & par
leurs leures percees, ne laisse pas neantmoins
de tellement les substanter, que

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principalement s'ils vont en guerre, &
que la necessité les presse, ils seront trois
ou quatre iours sans se nourrir d'autre
Fumee du
Petun pur
geant le
ceruean.

chose. Il est vray qu'ils en vsent encores
pour vn autre esgard: car parce que cela
leur fait distiller les humeurs superflues
du cerueau, vous ne verriez gueres nos
Bresiliẽs sans auoir chacun vn cornet de
ceste herbe pendu au col: mesmes a toutes
les minutes & en parlant a vous, cela
leur seruant aussi de contenance, ils en
hument la fumee, laquelle, comme i'ay ia
dit (eux resserrãs soudain la bouche) leur
ressort par les nez & par les levres fendues,
comme d'vn encensoir. Neãtmoins
ie n'en ay point veu vser aux femmes, &
ne scay la raison pourquoy: mais bien
diray-ie, qu'ayant moy mesmes experimenté
ceste fumee de Petun, i'ay senti que
elle rassasie & garde bien d'auoir faim.
Au reste quoy qu'on appele maintenant
par deça la Necocienne ou herbe à la
Erreur de
prendre la
Necociéne
pour Petun

Royne Petun, tant s'en faut toutesfois
que ce soit de celuy dont ie parle, qu'au
contraire, outre que ces deux plantes n'õt
rien de commun ni en forme ni en proprieté,
encores quelque recherche que
i'aye faite en plusienrs iardins ou lon se
vantoit d'auoir du Petun iusques à present
ie n'en ay point veu en nostre France. Et
afin que celuy qui nous à fait feste de son

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Angoumoise, qu'il dit estre vray Petum,
ne pense pas que i'ygnore ce qu'il en a escrit:
si le naturel du simple dont il fait
mention ressemble au pourtrait qu'il en a
fait faire, i'en di autãt que de la Necociẽne:
tellement qu'en ce cas ie ne luy concede
pas ce qu'il pretend: assauoir qu'il ait
apporté le premier de la graine de Petum
en Frãce, ou a cause du froit i'estime que
malaisément ce simple pourroit croistre.

I'ay aussi veu pardelà vne maniere de

Caioua
espece de
choux
Choux que les Sauuages nomment. Caiou-a,
dõt ils font quelquefois du potage,
lesquels ont les fueilles aussi larges & pres
ques de mesme sorte q͂ celles du Nenufar
qui croist sur les marais en cepays deçà.

Quant aux racines outre celles de
Maniot & d'Aypi, desquelles comme
i'ay dit au neufieme chapitre. les Sauuages
font de la farine, ils en ont encores

Hetich
racinesfort
bonnes &
en grande
abondance
en l'Amerique

d'autres qu'ils appellent Hetich, lesquelles
non seulement croissent en aussi gran
de abondance en leur terre que font les
raues en Limosin, ou en Sauoye, mais
aussi il s'en treuue communément d'aussi
grosses que les deux poingts & longues
d'vn pied & demy plus ou moins.
Et combien que les voyant arrachees
hors de terre on iugeast de prime face
à la semblance, qu'elles fussent toute
d'vne sorte: tant y a neantmoins

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d'autant qu'en cuisant les vnes deuenans
viollettes comme certaines Pastenades
de ce pays, les autres iaunes
comme Coins, & les troisiemes blancheastres,
i'ay opinion qu'il y en a de
trois especes. Mais quoy qu'il en soit
ie vous puis asseurer que quand elles
sont cuites aux cendres, principalement
celles qui iaunissent, qu'elles ne
sont pas moins bonnes à manger que
les meilleures Poires que nous puissions
auoir. Quant à leurs fueilles, lesquelles
traisnent sur terre comme Hedera
terrestris, elles sont fort semblables
à celles de Cocombres, ou des plus
larges Espinars qui se puissent trouuer
par deçà: non pas toutesfois qu'elles
soyent si vertes, car quant à la couleur
elles tirent plus à celles de Vitis Alba.
Au reste parce qu'elles ne portent point
Facon mer
ueilleuse de
multiplier
les racines
d'Atich

de graines, les femmes Sauuages, qui
sont soigneuses au possible de les multiplier,
pour ce faire ne font autre
chose (œuure merueilleuse en l'Agriculture)
sinon d'en couper par petites pieces,
comme on fait icy les Carotes pour
faire salades: & semãs cela par les champs
elles ont au bout de quelques temps autãt
de grosses racines d'Hetich quelles ont
semé de petits morceaux. Toutesfois
parce que c'est la plus grande manne de

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ceste terre du Bresil, & qu'allans par pays
on ne voit presques autre chose, ie croy
qu'elles viennent aussi pour la pluspart
sans main mettre.

Les Sauuages ont semblablement vne
sorte de fruits, qu'ils nomment Manobi,

Manobi

espece de
noisette
craissant
dans terre.
lesquels croissans dans terre, & s'entretenans
l'vn l'autre par petits filamens, ne
sont pas plus gros que noisettes franches
& ont le noyau de mesme goust. Neantmoins
ils sont de couleur grisastre &
n'en est pas la creuse plus dure que la
gousse d'vn poix: mais de dire maintenant
s'ils ont fueilles & graines, combien
que i'aye mangé beaucoup de fois de ce
fruit, ie confesse ne l'auoir pas bien obscrué
& ne m'en souuient pas.

Il y a aussi quantité de Poyure long

Poiure lõg
duquel les marchans de par deça se seruent
seulement à la teinture: mais quant
à nos Sauuages, le pillant & broyant auec
du sel, & appelans ce meslange Ionquet, ils
Ioquet
sel des Sau
uages & la
facon cõme
ils envsent
en vsent cõme nous faisons de sel sur table:
nõ pas toutesfois qu'ainsi que nous,
soit en chair, poisson, ou autres viandes
ils salent leurs morceaux auant que les
mettre en la bouche: car eux prenans le
morceau le premier & à part, pincẽt puis
apres auec les deux doigts à chacune fois
de ce Ionquet, & l'aualent pour donner saueur
à leur viande.


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Finalement il croist en ce pays là vne

Cõman
da-ouas
sou
grosses
febues.

sorte d'aussi grosses & larges Febves que
le pouce, lesquelles les Sauuages appelent
Commanda-ouassou: comme aussi de
petits Pois blancs & gris qu'ils nommẽt
Commanda-miri. Semblablement certai-
Cõman
damiri
petites
febues.

nes Citrouilles rondes nommees par eux
Maurongans fort douces à manger.

Voila, non pas tout ce qui se pourroit

Mau
rongan
Citrouilles

dire des arbres, herbes, & fruits de ceste
terre du Bresil, mais ce que i'en ay remarqué
durant enuiron vn an que i'y ay demeuré.
Surquoy ie diray pour conclusion
que tout ainsi que i'ay dit ci deuant, qu'il
n'y a bestes à quatre pieds, Oyseaux, pois
sons, ni Animaux en l'Amerique, qui en
tout & par tout soyent semblables à ceux
que nous auons en Europe, qu'aussi, selon
que i'ay soigneusement obserué allant
& venant par les bois & par les
champs de ce pays là, excepté ces trois
Arbres
herbes &
fruits de
l'Ameriq.
excepté
trois tous
disserends
des nostres.

herbes: assauoir du Pourpier, du Basilic,
& de la Fougiere, qui viennent en quelques
endroits, ie n'y ay veu arbres, herbes,
ni fruits qui ne fussent differents des
nostres. Partant toutes les fois que l'image
de ce nouueau mõde, que Dieu m'a
fait voir, se presente deuant mes yeux:
& que ie considere la serenité de l'air,
la diuersité des Animanx, la varieté des
oyseaux, la beauté des arbres & plantes,

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l'excellence des fruits: & brief en general
les richesses dont ceste terre du Bresil est
decoree, incontinẽt ceste exclamation du
Prophete au Pseau. 104. me vient en memoire.

O Seigneur Dieu que tes œuures diuers
Sont merueilleux par le monde vniuers,
O que tu as tout fait par grand sagesse
Bref, la terre est pleine de ta largesse.

Ainsi donques heureux les peuples qui
y habitent s'ils cognoissoyẽt l'Aucteur &
Createur de toutes ces choses: mais au
lieu de cela ie vay entrer en des matieres
qui monstreront combien ils en sont
essoignez.